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Theo van Doesburg (1883-1931)

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Publié le 22 novembre 2012
Série De Stijl

Mise en scène sobre, quelques livres témoins, Michel Giroud casqué met en branle et décortique le « chantier-Doesburg »: peintre, designer, architecte et poète… La typographie animée résume les concepts fondamentaux pour comprendre cet artiste transmédia par excellence, au fur-et-à-mesure des 15 minutes de ce podcast.

Énergumène, concentré, dispersé, caché, car il réussi au cours de sa vie a apparaître sous trois identités, d’abord l’identité civile :

d’Utrecht, le hollandais, le constructiviste hollandais, l’ami de Mondrian, le co-fondateur avec Mondrian du néo-plasticisme et le designer et le maquettiste de la fameuse revue (1917-1931) De Stijl, qui a une importance fondamentale en Europe sauf en France pour tout ce qui concerne l’expérimentation dans le domaine de l’architecture, de la peinture, de la typographie et aussi bien sûr de la poésie abstraite, géométrique ou expérimentale.

 Doesburg ne se contente pas d’être Doesburg, il invente un personnage que peu de gens à l’époque connaissait, imaginait que ça pouvait être lui-même : IKB BONSET.

Ie dada in Hollande c’est Doesburg qui mène la sarabande avec de fameuses tournées avec K. Schwitters, Huszar, et sa femme Nelly Van Doesburg : il va publier un ensemble de poèmes écrits entre 1916 et 1924 ; des poèmes à lettres (il cherche ses lunettes)

Le petit hollande dada IKB Manifeste 096 013 : (Lecture)

« Je suis sans nom, sans tronc, sans importance, je suis tout et rien, sans sexe, et sans aucune ambition, je suis rasta raté, bandit et isolé, avec mes pieds, ma pipe et mon cigare, mes gants et mes souliers, je crache sur tous les jeunes qui ont l’imbécillité de croire à l’amour, l’art ou la science, je hais ces trois dimensions de la sottise des mondes vacs et des enfants précoces avec leur crânes de celluloïd. Je crache sur tous les philosophes, ces je crache sur Dieu Jésus, Marx, avec leurs prêtres, des eunuques de bambous qui embêtent comme de petits cadavres les chats dans les canaux néerlandais, je crache sur tous les moralistes. Urinoirs de christianisme, je crache sur les artistes, biblio de papier mâché qui veulent faire un monde de chocolat mou et de merde parfumée, je crache, je crache, je crache sur tous les révolutionnaires avec leurs cerveaux de nickel, le monde est une petite machine à sperme, la vie une maladie vénérique toutes mes prières sont dédiées à la Sainte Vénérica. »

Personne ne pouvait se douter que de STIJL publiait dans sa revue des poèmes de cet hurluberlu BONSET qui lui a permis de pouvoir en même temps qu’il défendait le constructivisme, de réduire le constructivisme à rien, de ne pas lui même croire vraiment, à ce qu’il pouvait défendre en tant que constructiviste.

Doesbourg est connu par ses querelles, volontaires, théoriques avec Mondrian ; Il ne peut pas entrer dans une secte, dans une théorisation, quelque qu’elle soit. D’où son amitié avec Picabia, avec Arp, et avec Schwitters.

Ce qui mènera Doesburg BONSET a fonder dans les années 20, un fameux petit bulletin « dada mecano » qui aura 4 numéros selon les 4 couleurs : rouge, bleu, jaune et vert.

 ALDO CAMINI l’italien Doesburg sous pseudonyme se manifeste peu mais utilise la dynamique futuriste des mots en liberté, essentiellement et les projets grandioses futuristes pour un avenir très lointain. Il s’articule dans le présent : négation absolue de toutes les tendances, partis esthétiques, moraux religieux, et de pouvoir continuer à rêver à des projets en tant que futuriste, il peut se permettre de rêver à ses projets.

C’est intéressant ces trois hétéronymes car cela dit la volonté de Doesburg de se « désidentifier », de sortir de sa construction identifiée par sa langue, par sa nation, par son sexe, il est ici très proche de dada et même s’il ne l’a pas rencontré d’Antonin Artaud qui propose de reconstruire entièrement l’être humain : l’être humain devrait se débarrasser de l’ensemble des idéologies qui l’ont construit pour essayer d’inventer sa propre fiction, qui sont des constructions fictives fondées par l’imagination.

Doesburg va voyage en Europe, il vivra un certain temps à Weimar, puis il viendra à Paris pour revoir son ami Mondrian et s’établira au début des années 30 à Meudon, où il aura le temps de construire sa propre maison, il ne se contente pas d’être un poète (méconnu) et de designer la revue, il est aussi un architecte qui réalise de nombreuses maquettes avec ses amis architectes car dans la revue De Stijl, l’on voit apparaître des peintres (Mondrian et Doesburg) et trois ou quatre architectes et des typographes dont Werkman et Swart, un mouvement typographique en Hollande très lié au constructivisme et qui ont réalisé de remarquables ouvrages.

J’ai là, un livre édité par Moholy-Nagy l’un des fameux livres du Bauhaus.

Doesburg a tenté d’enseigner au Bauhaus mais sa radicalité était telle, de dada-constructiviste, que Gropius ne l’a pas accepté, il faisait ses cours, séminaires à l’entrée même du bauhaus et a rencontré un large succès auprès de ses étudiants.

Doesburg a rencontré le dadasophe Raoul Hausmann entre Hanovre et Berlin, ils ont produit ensemble un ou deux ouvrages, dont le manifeste pour un art élémentaire qui aboutira en 1930 à une nouvelle version du constructivisme que Doesburg appellera l’art concret : il n’y a pas d’art abstrait, il n’y a pas d’art figuratif, il n’y a pas d’art non figuratif, il n’y a que de l’art concret : c’est les matériaux, le matériel même de la peinture, la peinture. Il dit dans un autre manifeste que si l’on est peintre, on doit s’incorporer leurs couleurs, on doit s’incorporer la peinture, on doit devenir peinture.

C’est très étrange quand Doesburg parle de cela, on pense immédiatement à des méditations d’Yves Klein vers 1950-1959 autour du monochrome et Doesburg déjà affirme qu’il n’est pas possible d’être peintre si l’on projette des formes, l’on doit devenir couleur soit même, ce qui voudrait dire identiquement que pour le son, nous devrions devenir « corps sonore », corps coloré, couleur, corps, et pour le mot, la lettre, corps lettrique, corps verbal ; ce qui se tient parfaitement, pour le mouvement corps en mouvement,

C’est-à-dire ici refuser radicalement toute forme de dualité, l’art ne représente rien, absolument rien, il est art que s’il est art ; une sorte d’absolu qui nous permet d’échapper à toutes ses contradictions dit-il fumeuses, entre l’idée et la réalisation. Dans l’art il n’y a plus une idée qui précède et une réalisation, c’est la mise en corps complète de cette idée matière.

Doesburg finira sa carrière en commençant des séries arithmétiques de cubes obliques, il dit, pas du tout pour être sec ou logique, c’est pour qu’il n’y ait plus aucune place à la dualité, à la subjectivité, à l’objectivité, pour que se réalise l’adéquation absolue de l’être , de l’esprit qui se module dans l’espace ; il aborde une question importante reprise bien plus tard dans les années 60 avec les minimalistes américains comme Carl André ou Sol Lewitt, qui reprendront d’une autre manière la position de l’art concret. On s’aperçoit que sur le plan polémique Doesburg est très raide et brutal car il refuse cette distance entre le projet et sa réalisation, nous sommes là dans l’acte pur, d’où cette proximité tout à fait normale avec Hans Arp, Schwitters et Hausmann.

 Livres disponibles à la médiathèque :

 Qu’est-ce que Dada ? [Texte imprimé] / Theo van Doesburg ; Dr Doesburg, Mr Bonset et le petit chien Dada / préambule de Marc Dacy. – Paris : l’Echoppe, 1992. – 58 p. : ill. ; 22 cm.
ISBN 2-84068-008-4 (br.) : 66 F
* Sujets :
Van Doesburg, Theo (1883-1931) ** écrits d’artistes
Dadaïsme
* Résumé : Une conférence, inédite en français, qui nous fait découvrir le versant méconnu de Van Doesburg, fondateur de De Stilj. Avec les lettres de Doesburg à Tzara (1920-1922), essentielles pour comprendre le développement européen du dadaïsme.

 

Theo van Doesburg [Texte imprimé] : oeuvre catalogue / ed. by Els Hoek ; [written by] Marleen Blokhuis, Sjoerd van Faassen, Ingrid Goovaerts… [et al.] ; [transl. Lynn George, Kate Williams, Michéle Hendriks]. – Utrecht : Centraal Museum ; Otterlo : Kröller-Muller museum, cop. 2000. – 840 p. : ill. en noir et en coul. ; 24 x 24 cm.
Publ. à l’occasion de l’exposition présentée simultanément au Centraal museum à Utrecht et au Kröller-Muller museum à Otterlo du 12 mars au 18 juin 2000, sous le titre : « Theo van Doesburg : painter, poet, architect ». Bibliogr. p. 745-816.
ISBN 90-73285-73-9 (rel.)

La beauté exacte [Texte imprimé] : de Van Gogh à Mondrian : [exposition, Musée d’art moderne de la Ville de Paris, 25 mars-17 juillet 1994] / Suzanne Pagé, auteur Musée d’art moderne de la Ville de Paris ; Eric Michaud ; Hubert Damisch. – Paris : Paris-musées, 1994. – 342 p. : ill. en noir et en coul. couv. ill. en coul. ; 28 cm. – (Art-Pays-Bas-XXe siècle.)
Bibliogr. p. 342.
ISBN 2-87900-172-2 (rel.) : 350 F

Danser sa vie [Texte imprimé] : art et danse de 1900 à nos jours : exposition, Paris, Centre national d’art et de culture Georges Pompidou, du 23 novembre 2011 au 2 avril 2012 / sous la direction de Christine Macel, Emma Lavigne. – Paris : Ed. du Centre Pompidou, 2011. – 1 vol. (350 p.) : illustrations en couleur ; 30 x 23 cm.
ISBN 978-2-84426-525-8 (Br.) : 49.90 EUR
* Résumé : Exposition consacrée aux rapports que les arts visuels entretiennent avec la danse depuis les débuts du XXe siècle. Trois thèmes principaux articulent le cheminement : la danse des sens, l’abstraction du corps et le corps évènement.

Traces du sacré [Texte imprimé] : catalogue… de l’exposition… présentée à Paris, Centre Pompidou, galerie 1, du 7 mai au 11 août 2008, présentée à Munich, Haus der Kunst, du 19 septembre 2008 au 11 janvier 2009 / [catalogue sous la direction de Mark Alizart]. – Paris : Centre Pompidou, impr. 2008. – 1 vol. (455 p.) : ill. en noir et en coul., couv. ill. ; 31 cm.
Bibliogr. p. 424-437. Index.

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